« C’est à l’avènement d’une autre histoire, écrite en légères touches plus vives, plus affirmées, que Josseline Erner nous invite à assister avec la nouvelle exposition de ses dernières oeuvres. La passion pour le paysage est toujours présente. Si le paysage ne célèbre ni la nature ni la ville, il persiste à décrire cet entre-deux. Entre banlieue et campagne ; entre maison et ville ou lac ; entre intérieur et extérieur. La fenêtre opère comme médiateur, protégeant et exposant tout à la fois. L’entre-deux c’est aussi celui entre le peintre et le regardeur, tous deux placés devant le même espace capturé qui s’ouvre plus ou moins timidement. L’entre-deux c’est celui de l’artiste partagé, comme nous le sommes, entre l’intériorité et l’extériorité. Cet entre-deux explique la force et l’intérêt de ces bords de fenêtre, de ces coins de balcons ou de terrasses, parce que c’est là que se voit, se saisit et s’imagine le monde.
L’histoire s’affirme, donc, parce que s’affirme la lutte avec, et contre, la mélancolie. Latente dans les paysages également définis et indéfinissables, elle s’affiche dans les figures, porteuses du poids de la fonction du modèle, et donc, de l’histoire de la peinture elle-même, et porteuses aussi du respect et de l’affection, un peu distants, que leur porte la peintre. Mais, tel trait noir, telle grande tâche rouge, tel frottis jaune disent combien le désir est là, présent, d’aller au plus vrai des vérités et de la peinture – il y a des vérités dans la peinture – et de la vie qui passe entre-deux. Dans les interstices qui vibrent entre les motifs des toiles, entre la peintre et ses modèles, entre l’artiste et ses parents en peinture, Gauguin, Degas, Toulouse-Lautrec… Entre la mélancolie et la joie à venir. »
Laurence Madeline, Conservatrice en Chef des Monuments de France, Responsable du Département Beaux-Arts du Musée d’Art et d’Histoire de Genève.